La couronne d'Helios sur les monnaies dites radiées.

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La couronne radiée en numismatique romaine

La couronne radiée constitue l'un des attributs les plus caractéristique et reconnaissable de la numismatique romaine. Ce symbole solaire, qui orne le portrait de nombreux empereurs durant plus de trois siècles, mérite qu'on s'attarde sur son origine, sa signification et son évolution au fil du temps.

Symbolisme solaire : d'Hélios à Sol Invictus

Avant d'apparaître sur les monnaies romaines, la couronne radiée était l'attribut distinctif des divinités solaires dans le monde antique. Dans l'iconographie grecque, Hélios, personnification du soleil, était systématiquement représenté avec cette couronne dont les rayons évoquaient la lumière solaire irradiant dans toutes les directions.

Les Romains adoptèrent ce symbolisme en l'associant à Sol, leur propre divinité solaire. La couronne radiée devint ainsi l'emblème par excellence de la puissance cosmique et de la lumière divine. Ce n'est donc pas un hasard si elle fut progressivement intégrée à l'iconographie impériale : en arborant cet attribut divin, l'empereur se plaçait sous la protection de Sol et affirmait son statut d'élu des dieux, voire sa propre nature divine. Cette association culminera sous le règne d'Aurélien avec l'instauration du culte de Sol Invictus comme divinité suprême de l'Empire.

Le dupondius radié : une convention monétaire du Haut-Empire

C'est sous Néron que la couronne radiée fait son entrée dans le monnayage impérial et se généralise sous les Flaviens, mais dans un rôle avant tout pratique. Le dupondius, valant deux as, se distinguait par le portrait radié de l'empereur, tandis que l'as présentait un portrait couronné de laurier. Cette convention iconographique permettait aux utilisateurs d'identifier rapidement la valeur de la pièce qu'ils manipulaient.

Dupondius de Commode

Toutefois, il convient de préciser un point souvent mal compris : ce n'est pas la présence de la couronne radiée qui définit fondamentalement un dupondius. La différenciation première entre l'as et le dupondius résidait dans le métal utilisé pour leur fabrication. Le dupondius était frappé en orichalque, un alliage de cuivre et de zinc à l'aspect doré, tandis que l'as était en cuivre rouge. La couronne radiée n'était qu'un marqueur visuel supplémentaire, certes très répandu, facilitant l'identification de ces pièces dans les transactions quotidiennes. Cependant, la grande majorité des dupondii portaient effectivement ce symbole, qui devint ainsi leur caractéristique la plus emblématique aux yeux des contemporains comme des numismates modernes.

Exemple d'un dupondius de Vespasien non radié

L'antoninien de Caracalla : naissance d'un nouveau système

L'année 215 marque un tournant décisif dans l'histoire de la couronne radiée avec l'introduction de l'antoninien sous Caracalla. Cette nouvelle dénomination d'argent présentait systématiquement un portrait impérial radié, reprenant ainsi le principe établi pour le dupondius : la couronne indiquait que la pièce valait le double d'une autre dénomination de base, en l'occurrence le denier.

Antoninien de Caracalla

L'antoninien était censé valoir deux deniers, bien que son poids d'argent n'équivalût en réalité qu'à environ 1,5 denier. Cette surévaluation officielle permettait à l'État romain de générer un profit monétaire considérable. Au fil du IIIe siècle, l'antoninien devint progressivement la dénomination argentée dominante, tandis que le denier traditionnel disparaissait peu à peu de la circulation. La couronne radiée s'imposa alors comme le symbole monétaire par excellence du IIIe siècle, présente sur des millions de pièces circulant dans tout l'Empire.

Le double sesterce radié : une tentative éphémère

Dans la logique de multiplication des dénominations radiées pour signaler une valeur double, le double sesterce fit son apparition sous Postume dans les années 260. Cette imposante pièce de bronze portait, elle aussi, la couronne radiée pour indiquer qu'elle valait deux sesterces ordinaires.

Double sesterce de Postume

Cependant, cette création monétaire resta marginale et éphémère. Le double sesterce ne connut qu'une frappe limitée, principalement dans l'Empire gaulois, et disparut rapidement sans avoir marqué durablement le système monétaire romain. Cette tentative témoigne néanmoins de la volonté des autorités monétaires de maintenir une cohérence dans l'utilisation du symbole radié comme marqueur de valeur double, même dans les périodes les plus troublées du IIIe siècle.

On trouve également durant cette période le binio, une dénomination en or valant théoriquement deux aurei. Ces pièces de module supérieur arborent naturellement la couronne radiée, perpétuant ainsi la convention établie. Le binio reste cependant une émission rare principalement sous l'anarchie militaire, sa définition même faisant encore débat parmi les spécialistes.

Exemple de Binio sous Volusien

La Tétrarchie : quand la couronne perd son sens

Avec les réformes monétaires de Dioclétien et la mise en place de la Tétrarchie à la fin du IIIe siècle, la signification originelle de la couronne radiée s'effaça progressivement. Les petites pièces de bronze de cette période, appelées communément "nummi" ou "folles réduits", continuaient fréquemment à arborer des portraits radiés, mais cette caractéristique avait perdu toute valeur indicative.

Petit bronze post réforme de Dioclétien

Ces petits bronzes radiés ne valaient plus le double d'une quelconque autre dénomination. La couronne radiée était devenue un simple élément décoratif, vestige d'une convention monétaire révolue. Son maintien s'explique probablement par la force de l'habitude iconographique et par l'association désormais ancrée entre la couronne radiée et l'autorité impériale, indépendamment de toute considération métrologique. La réforme de Constantin acheva de marginaliser les derniers monnayages radiés au profit d'un nouveau système où d'autres symboles et attributs prévalaient.

Survivances tardives : l'atelier de Londres et autres exemples

Malgré le déclin général du portrait radié après la Tétrarchie, certains ateliers monétaires continuèrent sporadiquement à utiliser ce type iconographique dans la première moitié du IVe siècle. L'atelier de Londres (Londinium) en offre un exemple remarquable avec des émissions pour Crispus, le fils de Constantin, représenté avec la couronne radiée dans les années 320.

Bonze Radié de Constantin II frappé à Londres

D'autres ateliers, notamment en Gaule et en Bretagne, produisirent également des monnaies radiées pour divers membres de la dynastie constantinienne. Ces émissions tardives sont particulièrement recherchées par les collectionneurs en raison de leur relative rareté. À Trèves, à Lyon ou encore à Arles, on trouve ponctuellement des portraits radiés de Constantin II, Constant ou Constance II dans leurs premières années de règne. Ces frappes constituent les derniers témoignages d'une tradition iconographique séculaire qui s'éteignit définitivement au cours du deuxième quart du IVe siècle, remplacée par d'autres conventions visuelles mieux adaptées au nouveau contexte politique et religieux de l'Empire chrétien.

Conclusion

La couronne radiée offre un exemple fascinant de la manière dont un symbole religieux peut être intégré à un système monétaire pour devenir un marqueur de valeur, avant de se transformer en simple convention iconographique vidée de son sens originel. Née du symbolisme solaire d'Hélios et de Sol, adoptée pour distinguer visuellement les doubles dénominations, la couronne radiée accompagna l'histoire monétaire romaine pendant plus de trois siècles.

Son évolution reflète les grandes transformations de l'Empire : la stabilité du Haut-Empire avec ses systèmes cohérents, la crise du IIIe siècle avec la multiplication des antoniniens radiés, puis l'émergence d'un nouvel ordre sous la Tétrarchie et Constantin. Pour le numismate moderne, ces couronnes de rayons demeurent non seulement un critère d'identification essentiel, mais aussi un témoignage précieux des conceptions religieuses, politiques et économiques qui structuraient la société romaine antique.

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1 commentaires

Par Etienne 08/12/2025 11:53:57

Trés bon article trés precis et explicatif, on comprend la symbolique de la couronne sur les piéces et comment reconnaitre rapidement la différence entre l as et le dupondius à lire par tous les collectionneurs de monnaies antiques je donne 5 sur 5 pour cet article de qualité