le Faisceau de licteur, histoire d'un symbole dévoyé.

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L'origine de l'objet

Le faisceau de licteur, ou fasces lictoriae en latin, est un symbole hérité de la Rome antique. Le faisceau était porté par les licteurs, des officiers accompagnant les magistrats romains. Il représentait leur pouvoir de contraindre et de punir, c'est donc un symbole de justice.

Il se composait de baguettes de bouleau ou d’orme liées ensemble, souvent autour d’une hache (securis). Les baguettes symbolisaient la flagellation, la hache la peine capitale. Les licteurs portaient ces faisceaux devant les magistrats pour marquer leur autorité. Dans Rome même, la hache était souvent retirée, car la peine de mort y était interdite.

Le faisceau de licteur apparaît sur des monnaies de la République de Rome, comme sur le denier des Norbanii au nom de Gaius Norbanus.

La récupération républicaine du symbole

Ce symbole de justice est largement récupéré dans de nombreuses républiques à partir de la fin du XVIIIe siècle. La France répand largement ce symbole à la Révolution. Il représente un assemblage de petites tiges fragiles qui forment un ensemble solide, une sorte de représentation de l’expression "l'union fait la force", idéal pour représenter les idées révolutionnaires !

On le trouve sur les sceaux de la République française encore aujourd’hui et sur le fronton de nombreuses mairies. Niveau numismatique, il a été abondamment représenté en France, déjà sur tous les types révolutionnaires. Il servira de différent de gravure au XIXe siècle sous la IIIe République. Il apparaît même encore au XXe siècle sur les 25 centimes Patay.

On le trouve également, pour rester dans la sphère d'influence française, en Italie largement envahie par un jeune général pas trop connu, un dénommé Napoléon Bonaparte, comme à Naples, à Rome ou dans le Piémont à partir de 1798. Un peu plus tard, on le retrouve sur les monnaies de la République haïtienne. En Indochine, on le trouve sur de nombreuses monnaies dans les mains de la Liberté (qui reprend le dessin du sceau de France).

La monnaie la plus ancienne hors Antiquité qui le représente, d'après mes recherches, est la 20 soldi corse sous Pascal Paoli en 1762 !

Ce symbole est également présent :

  • En Équateur au XIXe siècle
  • Sur les dimes américaines à la tête de Mercure du milieu du XXe siècle
  • À Fribourg sur une monnaie de 1798
  • Et bien sûr en Italie au XXe siècle. (voir nos monnaies italiennes)

Le faisceau et le fascisme

Comment ce symbole pourtant plutôt positif a-t-il pu finir comme un des emblèmes du fascisme ? La réponse se trouve en Italie.

Le mot fascisme pour commencer

Le mot fascisme vient de fascio, qui signifie « faisceau » en italien. Ce terme était utilisé dès le XIXe siècle pour désigner des groupes militants ou syndicaux, mais Mussolini le réemploie en 1919 pour nommer son mouvement : Fasci italiani di combattimento.

Drapeau du parti fasciste Italien

Le symbole selon Mussolini :

Le faisceau de licteur, même si je radote, est un ensemble de baguettes liées autour d’une hache symbolisant le pouvoir des magistrats romains sur la vie et la mort. En le reprenant, les fascistes italiens revendiquent une filiation directe avec la grandeur impériale de Rome.

  • Unité et discipline : Les baguettes liées ensemble représentent la force du groupe uni, par opposition à l’individu isolé et faible.
  • Autorité absolue : La hache au centre du faisceau incarne le pouvoir de coercition, y compris la violence d’État.
  • Rejet du pluralisme : Le faisceau suggère une société homogène, hiérarchisée, où l’individu se fond dans la masse au service de la nation.

Le plus gros lien qui est fait encore aujourd'hui avec le fascisme est le nom des milices (presque militaires) de Mussolini, les Fasci italiani di combattimento, ou en français les faisceaux de combat. Fondés par Benito Mussolini le 23 mars 1919 à Milan, ils incarnent une synthèse explosive entre nationalisme, syndicalisme révolutionnaire et militarisme post-Première Guerre mondiale.

Drapeau des Faisceaux de combat

Cette armée en chemise noire (qui deviendra brune en Allemagne) terrorise les communistes, les syndicats et les manifestations, et sera un grand pilier du fascisme italien. Franco utilisera également un faisceau, mais lui de flèches, en Espagne — l’idée reste la même.

Conclusion

Le faisceau de licteur, à l’origine, symbolisait la justice et l’autorité légitime dans la Rome antique. Porté par les licteurs, il représentait le pouvoir des magistrats de faire respecter la loi, avec les baguettes pour la punition et la hache pour la peine capitale.

Au XXe siècle, ce symbole a été détourné par le fascisme italien. Mussolini l’a repris pour incarner l’unité nationale, la force autoritaire et la soumission de l’individu à l’État. Le faisceau devient alors un emblème de violence politique, de répression et de culte du pouvoir, bien loin de sa vocation initiale de justice républicaine.

Ce glissement illustre comment un symbole ancien peut être réinterprété pour servir une idéologie radicalement différente. Et il existe bien au moins un autre symbole qui a tellement été absorbé par une doctrine politique qu'il est aujourd'hui symbole de la plus sombre histoire de l'humanité — mais ceci sera pour un autre article qui touchera aux Allemands cette fois.

Article écrit le 01/09/2025 par Thomas Pelissero

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1 commentaires

Par ARENE 03/09/2025 18:02:20

Très instructif. Merci